|
Episode 1 : L'auberge
(Kuriakin - 30/08/2000)
Il poussa la porte et entra. L'auberge
était enfumée et sentait la transpiration mais au moins, il
y faisait chaud et sec. Les têtes des occupants se tournèrent
vers lui et le dévisagèrent avec une curiosité mêlée
de mépris. Celui qui se tenait devant l'entrée n'était
pas un homme mais un Elfe comme ses longs cheveux argentés, son visage
émacié et ses oreilles en pointe le prouvaient. L'eau continuait
de ruisseler de son long manteau vert qui dissimulait partiellement une épée
longue à son côté.
Sans s'occuper de l'assemblée,
l'arrivant se dirigea vers une table libre située dans le fond de la
salle commune. Il semblait perdu dans ses pensées et avançait,
son regard clair dans le vague. Aussi, ne remarqua-t-il pas le pied qui se
tendit sur son passage et dans lequel il trébucha. Il se retrouva,
étendu de tout son long sur le sol alors que l'auberge résonnait
d'éclats de rires.
Toujours sans un mot, l'Elfe se releva
lentement et s'apprêtait à poursuivre son chemin en direction
de la table lorsqu'une main se posa sur son épaule.
L'homme qui venait de l'interpeller
était un colosse barbu et hirsute de près de deux mètres
de haut. Son regard était mauvais et son haleine empestait l'alcool.
Calmement, l'Elfe écarta la main de son épaule et croisa le
regard de son interlocuteur.
-
Je vous présente mes
excuses. Puis-je aller m'asseoir maintenant ?
-
Non mais pour qui y s'prend
les gars ? Il arrive chez nous, il dit même pas bonjour et maintenant
y s'fout d'not'gueule ! Tu sais Piqu'oreille, on n'aime pas bien les étrangers
ici et surtout ceux qui sont pas polis. Mais t'as d'la chance j'vais t'apprendre
la politesse !
Le colosse commençait de remonter
ses manches alors que l'assemblée frappait les tables de leurs chopes
en scandant : " Boris… Boris… Boris…". Seul un homme borgne attablé
dans un renfoncement observait la scène en silence.
Avec une rapidité que sa masse
ne laissait pas supposer, Boris se rua sur l'Elfe qui l'évita d'un
bond de côté, son manteau se déployant comme une cape
de toréador. Encore plus furieux, il revint à la charge, son
immense poing brandi prêt à s'abattre tel un marteau. Cette fois,
l'étranger ne se déroba pas, il s'accroupit soudainement et
en appui sur les mains, effectua un balayage de la jambe droite qui déséquilibra
le colosse. Celui-ci, emporté par son élan, reçut alors
un violent coup de botte au postérieur qui l'envoya s'écrouler
au milieu de tables et de chaises qui se brisèrent sous son poids.
Mais, humilié, Boris ne pouvait
rester sur cette défaite. Il sortit le couteau qu'il avait à
sa ceinture et s'apprêtait à le lancer dans le dos de son ennemi.
Avant que, dans l'ombre, le borgne ait pu esquisser un geste, un bruit de
tonnerre fracassant se fit entendre et la fenêtre située derrière
Boris vola en éclats alors que le colosse hurlait de douleur, le dos
criblé de morceaux de verre. La foudre venait de tomber sur un chêne
situé devant l'auberge et l'arbre s'était abattu, sa cime brisant
la fenêtre. L'Elfe ne s'était pas retourné et il s'asseyait
maintenant à sa table.
Le borgne sortit de l'ombre et s'approcha
de la table de l'étranger.
L'homme portait des vêtements
de cuir usagés et une étrange épée fine au côté.
Mal rasé, un bandeau sur l'śil gauche et une peau crevassée,
on ne peut pas dire que l'individu inspirait confiance.
-
Si vous le souhaitez mais je
n'ai guère envie de parler ni de vous payer à boire.
-
T'inquiète, c'est moi
qui rince. Patron deux tord-boyaux et pas coupés ! Alors, comment
tu t'appelles ? C'est pas très elfique Piqu'oreille.
-
Harllanan Laurelinal Shasalion.
-
Rien que ça ! Tu te bas
bien, tu as vite calmé le gros.
-
Je n'ai eu aucun mérite
il était ivre.
-
Et la foudre ? Un sacré
coup de bol… ou un sort ?
-
La chance me sourit souvent
mais pourquoi toutes ces questions ?
Le borgne semblait hésiter
alors qu'une femme à la poitrine opulente déposait sur la table
deux verres à la propreté douteuse. Après avoir jeté
quelques pièces sur la table et caressé la croupe accueillante
de la serveuse, il vida son verre d'un trait avant de reprendre.
-
Tu sais Shas, j'ai pas l'habitude
de croire en ce genre de conneries mais depuis quelques temps, j'arrête
pas de faire le même putain de cauchemar. Je suis poursuivi dans
une forêt obscure par une meute de créature aux yeux rouges
et au moment où elles m'ont enfin cerné pour me dévorer,
un mec arrive et les met en fuite. Un type qui te ressemble étrangement.
-
Désolé mais je
n'y suis pour rien. J'ai moi aussi mes problèmes et je ne puis
t'aider.
-
Ouais ! Mais y'a encore une
chose que j't'ai pas dite. Si j'suis dans cette forêt c'est parce-qu'il
y a une femme qui m'appelle au secours. Une jolie gonzesse aux cheveux
d'or et aux yeux verts…
Harllanan ne le laissa pas finir.
-
Est-elle aveugle ?
-
Comment tu sais ça ?
L'Elfe se dit que le destin avait
mis cet homme sur sa route et que ce n'était certainement pas sans
raison. Il décida de lui confier les raisons de sa venue en ces lieux.
|