Journey
into reality 119
(Mercredi
2 novembre 2011)
Bob
Bernstein :
Bonjour à tous pour votre rendez-vous mensuel avec Journey
into Reality et votre serviteur Bob. Rien de bien nouveau
depuis le mois dernier et un Coup de Coeur d'octobre qui arrive en novembre...
Le sujet que j'ai décidé d'aborder ce mois concerne une décision du conseil
d'état au sujet du temps de travail des animateurs de centre de vacances
Pour
résumer l'affaire en quelques mots, un syndicat (Sud pour ne pas
le nommer) a remis en cause le CEE (contrat d'Engagement Educatif)
qui est une exception au code de travail visant le statut tout particulier
de volontaire. Dans un premier temps le conseil d'état a renvoyé la question
à la CJUE (Cour de Justice de l'Union Européenne) qui a estimé
que le CEE n'apportait pas assez de protection au titulaire pour
être considéré comme un contrat dérogatoire et que par conséquent, les
titulaires devaient bénéficier d'un repos quotidien de 11h00 consécutives.
Le conseil d'état s'est alors rangé à cet avis.
Alors,
si on n'y connaît pas grand chose, on peut se dire qu'il n'y a là rien
de bien exceptionnel et qu'accorder 11h00 de repos par jour à quelqu'un
qui travaille, c'est bien la moindre des choses si on n'est pas favorable
à l'esclavage. Eh bien je partage tout à fait cet avis pour les personnes
qui travaillent dans le cadre de leur activité principale, c'est à dire
qui exercent un métier dont le but principal est de leur fournir le salaire
dont ils ont besoin pour vivre. Mais là, il ne s'agit pas du tout de la
même chose. On ne parle de salariés mais de personnes qui ont choisi de
s'investir ponctuellement dans l'animation, non pas pour payer leur loyer,
mais parce qu'ils aiment cela !
Je
me doute bien que l'idée de travailler pour le plaisir doit paraître bien
incongrue à l'esprit de nos bureaucrates européens mais elle existe bel
et bien. L'esprit en question est celui de vouloir donner de son temps
et exploiter ses compétences pour permettre à des enfants de s'amuser
et d'évoluer et pour nous autres c'est là une récompense qu'aucun salaire
ne va compenser. L'enrichissement n'est pas pécunier mais je ne connais
pas beaucoup de domaine où quelqu'un peut s'enrichir personnellement
autant que dans celui de l'animation : responsabilité, travail en équipe,
élaboration de projet, encadrement, intégration de règles et de lois mais
aussi plaisir. Et voilà qu'on nous explique que pour notre bien, il va
falloir limiter tout cela en durée...
Il
est d'ailleurs étonnant de noter que la quasi totalité des animateurs
occasionnels ne veut pas de cette loi qui est sensée si bien les protéger.
Mais pour mieux comprendre, prenons un exemple concret. Imaginons un centre
de vacances où pour l'accueil du petit déjeuner, on demande aux animateurs
d'être présents à partir de 8h00. Cela implique qu'il faudra que l'animateur
arrête son activité au plus tard à 21h00. Ce qui veut dire qu'il ne pourra
pas participer à la veillée (du moins pas en entier) et qu'il ne pourra
pas s'occuper du coucher. Bien entendu, il ne pourra pas non plus y avoir
de réunion d'équipe, donc adieu les échanges d'informations pour faire
le bilan de la journée, mieux suivre les enfants et coordonner la journée
du lendemain.
Mais
comme on ne pourra pas laisser les enfants sans encadrement, il faudra
donc prévoir d'autres personnes pour s'en occuper. Allons nous voir naître
des animateurs spécialisés en veillées, en gardien de nuit, en petit déjeuner
? Allez pourquoi ne pas rêver d'un monde où les 3 x 8 de l'entreprise
entrent dans les centres de vacances avec une belle pointeuse à l'entrée
? On nage en plein ridicule. Tiens et si on essayait de voir comment organiser
ça avec un camp itinérant... avec des convoyages d'animateurs en haut
de la montagne ou au fond des bois pour permettre le relais des équipes...
et en plus avec tous ces déplacements, on pourra se vanter de veiller
au développement durable. Et puis en toute logique, il faudra aussi appliquer
cette règle au directeur... deux directeurs par centre alors que de nombreuses
structures déclarent avoir du mal à en trouver, quelle bonne idée !
Alors,
si les choses restent en l'état, quelles seront les solutions pour les
centres de vacances ? Soit ils devront appliquer la loi à la lettre et
recruter plus de personnes. Afin de ne pas trop exploser le budget, ils
compenseront en recrutant des équipes encadrantes en effectif minimum
pour respecter la loi ce qui signifiera au mieux une baisse de qualité,
au pire une baisse de sécurité. Mais malgré cela, une augmentation majeure
des tarifs (estimée de 15 à 30 % selon les cas) sera inévitable. Le résultat
est évident, l'accès aux vacances collectives jugés déjà très cher pour
beaucoup de foyers ne sera plus accessibles pour une nouvelle tranche
de la population. Du côté des centres, la baisse d'inscriptions inévitable
qui en découlera sera fatale à de nombreuses associations à l'équilibre
économique déjà précaire. Une autre solution consistera à revenir au bénévolat
systématique créant ainsi deux nouveaux problèmes. Premièrement, il sera
plus difficile de recruter alors qu'il faudra plus de monde. Deuxièmement,
des jeunes voulant s'investir dans cette voie et n'ayant pas les moyens
de ne pas gagner d'argent pendant les vacances, ne pourront plus devenir
animateurs. Ainsi ceux qui sont les plus favorisés financièrement, auront
le droit de s'enrichir personnellement, tant pis pour ceux qui n'ont pas
cette chance. Enfin, les organisateurs qui voudront lutter contre cela
se verront obligé d'essayer de trouver des méthodes borderline à base
de remboursements plus ou moins justifiés pour valoriser le travail apporté
par les bénévoles.
Le
monde de l'animation occasionnel n'est pas celui de l'entreprise. Les
valeurs de l'éducation populaire ne peuvent pas s'épanouir dans le cadre
strict de procédures imbéciles. Si je suis aussi véhément envers cette
décision, c'est que j'ai eu la chance de vivre de belles années dans le
monde de l'animation parce qu'on nous permettait de les vivre. Un volontaire
n'est pas quelqu'un qui regarde sa montre car il est passionné par ce
qu'il fait et c'est uniquement pour cela qu'il le fait. J'ai pu constatetr
que lorsqu'on se rapprochait d'un statut salarié classique tout cela n'était
plus possible. J'ai vécu ces années et je déplore avant tout le fait que
les générations qui viennent ne pourront peut-être pas les vivre. A vouloir
tout quantifier et tout réglementer, on finit par perdre l'essentiel.
La société aseptisée et sans âme que l'on veut nous imposer pour notre
bonheur n'est pas celle à laquelle j'aspire et j'espère que la raison
finira par l'emporter.
Au
cours des années qui se sont écoulées, je suis passé de pro-européen,
à euro-sceptique. Aujourd'hui, je ne doute plus. Des décisions de ce type
montrent que l'écart est consommé entre la bureaucratie européenne et
les valeurs qui m'animent. C'est pourquoi je pense aujourd'hui, qu'il
faut sortir de l'Europe et revenir à des décision au plus près du terrain
et du peuple. Les présidentielles arrivent, nous pourrons être attentif
aux projets des candidats dans ce domaine.
Je
termine ce coup de gueule par un coup de coeur avec un hommage à un grand
monsieur de l'univers des comics qui était mon dessinateur préféré qui
nous a quitté : Gene Colan. Il fait partie de ces artistes qui
m'ont fait découvrir l'univers des comics en particulier lors de son long
passage sur Daredevil où son style dynamique
faisait merveille. Merci l'artiste ! Il est maintenant temps de nous quitter
pour mieux nous retrouver en novembre, bye !
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